Il etait une fois, comme dans toutes les belles histoires, trois jeunes gens qui voulaient faire du rock.
Leurs noms : Gilles et Jean Pierre Theolier, les cousins, et Patrice Cottenceau, dit Big Pat .
Gilles tenait la basse, Jean Pierre la guitare, Patrice la batterie. Presque une operation de commando. D ailleurs Jean Pierre repetait souvent : C'est la guerre.
La guerre contre qui ? le reste du monde ? le fameux Systeme avec S majuscule, nebuleux concept cher aux paranos de tout poil (derives beatniks, situs, provos, extremegauchistes depaveurs de rues, hippies carbonises, punks overstresses, tristes heros de l hero, libertariens?) ? Ou simplement contre eux memes ? Bah ! il y a du vrai un peu partout ; c est comme tous ces fichiers sur le disque dur non defragmente de ton ordinateur familier?
Mais revenons a nos moutons, si je puis dire. Ils se rassemblerent en 1983, sous l etendard du rock, habiterent ensemble durant six mois dans une gare de campagne desaffectee, parmi divers colocataires moins directement impliquees. Ce qui ne donna pas grand chose. A peine deux ou trois demi morceaux. Jean Pierre apprenait a ne pas se planter, a garder le rythme ( Le rythme bon Dieu ! le rythme ! C est encore du 12/5 ou j sais pas quoi !! ). Personne ne travaillait assez. Le bosseur du groupe a vraisemblablement toujours ete Gilles. Gilles obtenait plus rapidement des resultats. Musicalement plus doue sans doute. Jean Pierre avait deja ecrit quelques textes pouvant servir pour des chansons, mais il ne chantait pas, n osait pas. Ils etaient jeunes. Ils etaient naifs. Rengainons pour l instant nos mouchoirs.
Au bout de six mois ce qui devait arriver arriva (l expression reviendra helas beaucoup trop). Ils leverent anarchiquement le camp, et chacun s employa a se faire son chez soi. Debut de la periode benie, remplie d enthousiasme qui coincida bizarrement avec la saison des champignons?
Les compos succedaient aux compos dans un climat d excitation et d euphorie, de sueurs froides et d introspection depravee. Les canettes s amoncelaient, chateaux de cartes prets a s ecrouler, tas de cadavres potentiellement tranchants, dangereux. On commençait a eprouver la divine jouissance de s exposer au pire, la volupte du pire, le sublime emoi de perdre, l inenarrable frisson de la peur d avoir peur, et entre la multitude des plaisirs honteux, avant tout celui que procure la culpabilite. Bref, SECONDE CHAMBRE se decouvrait une ame au travers des feelings. Un certain Monsieur Gurdjieff enseignait que l homme (Fun House !) est construit en quatre chambres, la seconde etant celle des emotions (et demerdez vous avec ça), et le groupe savourait son nom (c est a dire son emanation, son esprit ), de maniere on ne peut plus douteuse. Vint l heure de chanter (avant celle de danser bien sur laquelle ne viendra jamais tout a fait, quoique l'on puisse s'agiter nerveusement sur des morceaux tels Secret Laws, Therese Neumann, Monkey of God, de meme que, toutes proportions gardees, sur Digital ou Isolation de vous savez qui) : Jean Pierre s'y employa.
Or, Jean Pierre jugeait qu il chantait mal. En consequence, on decida de faire appel (a un pro). Ce fut Dominique Gardais, dit Mino Rite , ancien de plusieurs gangs keupons, ex TINTIN KOLLABO officiant desormais au sein des TUEURS DE REVES qui s'y colla. Le vrai premier concert de SECONDE CHAMBRE eut lieu dans un trou paume de l'Anjou profond dont nul a notre connaissance n'a retenu le nom. Nous nous souvenons, tout en retenant notre precieux souffle, que Patrice, ayant perdu sa pedale de foutue grosse caisse au cours des hostilites, n'en persista neanmoins pas, lattant sa foutue grosse caisse a grands (gros ?) coups de godasses afin de bien marquer le tempo. (Subsequemment, il fallut clouter la scene juste devant le parpaing judicieusement place devant sa foutue grosse caisse afin que ladite foutue grosse caisse ne se fasse pas la malle.) Victoires Prochaines, un des nombreux hits fantomes du groupe, fut expedie comme une fusee sur Mars ; ou, si vous preferez, comme un missile Air Sol en plein dedans la face du public cheri.
L angoisse accelere les processus de desintegration.
Alors vint l'heure de chanter? Il leur fallut se disjoindre, pour la premiere fois. Mino, mine, fut remercie. Avec empressement Jean Pierre put se lancer dans une carriere de chanteur gueule de bois sans langue de bois qui le mena a l'oree des caniveaux, puis sans tambours ni trompettes dans la fosse commune aux pretendants a la chronique supreme du mensonge intime quotidien.
Les repetitions continuerent. Mais chant et guitare c'etait trop pour Jean Pierre. Que faire ? Trouver un quatrieme complice evidemment. A force, ils finirent par denicher un bassiste : Laurent Limousin. C'etait, il nous semble, vers mai 84.
Mino, entre temps promu manager, deposa sous les instances de Jean Pierre, une cassette dans les bagages du groupe rennais COMPLOT BRONSWICK (dont la fille aux claviers sera la future Miss Marc Seberg et le batteur celui de MIOSSEC). Ici entre en scene François, alias Nikolai ADA?
Nikolai, membre voire tete de COMPLOT BRONSWICK les trouva a son gout.
Et comme il etait partie prenante chez Divine, le label oublie du defunt Madrigal, auquel on doit la distribution de TUXEDOMOON, RAMUNTCHO MATTA, DAZIBAO, NORMA LOY etc., seance tenante nos amis furent contactes. Tres vite se dessina le projet de graver un vinyle.
L enregistrement du premier LP, comme du deuxieme, se deroula en une semaine a Rennes au Drop Studio. Lord Brain apparut dans les bacs fin 85 et reçut, selon la formule consacree, les echos elogieux de la presse, notamment dans Best via Georges Daublon, qui malheureusement deceda des suites d un accident de moto en 87, annee de la sortie de Brise. Cette fois au lieu de cinq, l album arborait sept morceaux. Arnaud Viviant le descendit (assurement de comprehensibles comptes a regler avec les corbeaux de la Cold Generation) ; cependant l instrumental Karma Dance servit de generique musical a une emission lyonnaise pendant de tres longs mois, voire des annees.
Mais foin des nostalgies dithyrambiques et onanistes ! parlons un peu des concerts?
Les concerts etaient invariablement chaotiques. Seule l'intensite du foutoir organise variait, cela en fonction de l'etat du batteur et principalement du chanteur.
Ce dernier, sur un nombre indetermine de prestations (n'en demandez pas trop) disons, approximativement, une bonne cinquantaine : le Gibus, le Cythea (Paris), le Floride (Nantes), le Glob (Lyon), l'Ubu (Rennes), l'Amphi (Tours), ainsi que maints rades et ineffables troquets, de Riec sur Belon a Dijon, en vecut tout au plus quatre a jeun, y compris un concert purement venal qu il executa salement touche par la grippe. Car, au dela d'une tete qui eut tendance a gonfler, le probleme crucial et paradoxal, celui qui provoqua tant de mutations du personnel, celui qui entraina ces types a refuser d'entrer chez Barclay parce qu ils n aimaient que moderement Theo Hakola (lequel fit signer NOIR DESIR a leur place), celui qui causa leur enterrement lent ; celui aussi qui les ecartait par eclairs du lot, qui leur conferait une espece d'artistique prestance et d'assurance creative continuellement proche de la plus abjecte morgue, c etait : l'usage minutieux des drogues, surtout psychedeliques et amphetaminiques. Elles ont servi et desservit. Le tout arrose outrageusement d alcool. (Anecdote : Puisque Patrice avait refuse de se rendre a Strasbourg, parce que c'etait trop loin pour une seule date, il fut vire.
Les cousins comprimerent tout le matos dans une modeste voiture et s'en allerent jouer en Alsace, region offerte a l'epoque aux radiations du nuage de Tchernobyl qui flanait funestement. Ils firent un detour par la capitale, cueillirent Coyote Will, un vieil ami guitariste qui s exilera pour eux en Anjou de septembre 86 a juin 87. Le soir ils tenterent de jouer. Une poignee de minutes plus loin le public avait deserte. Un producteur anime des meilleures intentions s'etait parait il deplace afin de juger SECONDE CHAMBRE sur? hum? pieces. Il ne leur a point serre la main.)
Big Pat rejoignit le groupe apres la defection d un Vil Coyote deteriore par les exces. Nikolai ADA jeta l'eponge. Ils enregistrerent au studio Garage a Paris un single qui ne vit jamais le jour. Ian Harris, sonorisateur de MOVEMENT, ayant participe a des mixs de JOY DIVISION, probablement ceux de Still, les suivit jusqu'a la fin.
Laurent quitta le groupe. Javier, dit Jaja, devint le nouveau bassiste. Ils disposaient a demeure d un chouette petit studio, equipe d'un magneto 8 pistes, rack d'effets, console pleine de boutons verts et bleus clignotants, et tout le saint frusquin. Ils jouaient opiniatrement quatre heures par jour quatre jours par semaine. Minimum.
A cette periode, ils demandaient un cachet de 3000 Fr. negociable ainsi que des frais de deplacement et s'engageaient a fournir les affiches, mais l'organisateur devait, pour sa part, s engager a assurer la publicite necessaire au concert ; ils demandaient en outre 8 micros pour la batterie (dont un D 12 pour la foutue grosse caisse), un micro SM 81 Shure pour le chant, reverb DRV 2000, Yamaha SPX 90, etc., etc. Les bandes, comme les canettes de biere et les bouteilles de whisky, s'accumulaient. Le chanteur consommait profusement de l acide.
De tout ça, a emerge au printemps 91 l'unique CD du groupe, deux ans apres sa dissolution : An Expensive Party, grace au label angevin Black & Noir. (Restaient ces 11 titres, dont une reprise de T.REX, enregistres quand SECONDE CHAMBRE n existait deja plus que dans leur tete, et que Gilles s occupait de la basse, de la guitare et de la batterie sur la moitie des morceaux, qu'il y avait cinq producteurs differents (Ian Harris, Titi, Christophe Sourice, Gilles et Jean Pierre Theolier), dix mixs, pas de label et des annonces de sortie differee : toute l histoire du groupe ! )
Bio de Jean Pierre Theolier
http://www.myspace.com/secondechambreUne reedition sous forme de 2cds a ete faite grace à Brouillard Definitif. Les 3 albums Lord Brain , Brise et An Expensive Party ainsi que de nombreux inedits
A conseiller vivement